Résumé des besoins humanitaires et des principales conclusions
Chiffres clés
PERS. DANS LE BESOIN 8,8M
FEMMES 51%
ENFANTS 54%
AVEC UN HANDICAP 15%
Partie 1 : Impact de la crise
1.1 Contexte de la crise
Les analyses conduites par des experts ont mis en évidence la persistance des conflits, de l’insécurité multiforme, des aléas climatiques (les inondations et sècheresses), les urgences épidémiologiques et environnementales. La vulnérabilité structurelle grandissante, la gouvernance politique et économique, la pauvreté chronique, les inégalités sociales, la pression démographique, sont autant de facteurs qui exacerbent la crise et augmentent les besoins humanitaires. Selon l'indice de développent humain de 2022, le Mali occupe la 186ème place sur 191 pays.
La situation humanitaire est dominée par des mouvements de populations à tendance croissante, l’exacerbation des besoins humanitaires, le sous financement, le rétrécissement de l’espace humanitaire dans un contexte où les populations aspirent à un accès adéquat aux services sociaux de base. Profils politique, socio-culturel, démographique et économique En 2022, la situation politique a été principalement dominée, d’un côté par une multitude de crises diplomatiques notamment avec la France et certains partenaires européens ainsi qu’avec des pays voisins tels que la Côte d’Ivoire et le Niger, et de l’autre, par des sanctions économiques de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine-Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (UEMOA-CEDEAO). Aussi, la reconfiguration de la présence militaire internationale, traduite par la fin des opérations de Barkhane et Takuba, le retrait du Mali du dispositif du G5 Sahel ainsi que la coopération bilatérale accrue avec la Russie, ont eu un impact sur l'environnement sécuritaire. Ainsi, les autorités de la transition ont redéfini la politique de défense et de sécurité du pays notamment en matière de recrutement, de formation, d’équipement et de partenariats. Le 6 juin 2022, par décret présidentiel, la durée de la transition politique en cours au Mali a été fixée à 24 mois à partir du 26 mars 2022. Par un autre décret du 10 juin 2022, le Président de la transition a créé une commission chargée d’élaborer un avant-projet de Constitution dans un délai maximal de deux mois.
En juin, le Conseil national de transition (CNT) a adopté le projet de la nouvelle loi électorale, promulguée par le Président de la transition le 24 juin 2022. Cette nouvelle loi électorale institue l'Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) et fixe le régime du référendum, de l’élection du Président de la République et des conseillers des collectivités territoriales. S’agissant du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation d’Alger, on observe une issue positive à la suite de la réunion de haut niveau qui devrait permettre entre autres l’achèvement de l’intégration des 1 235 ex-combattants restants, sur un total de 3 000, dans le cadre du processus accéléré de désarmement, démobilisation et réintégration.
Profils Socio-culturel et démographique
La population du Mali est estimée à 21 726 000 habitants en 2022 dont 50,4% de femmes et plus de 60% âgés de moins de 25 ans. Le taux de croissance de la population est de 2,9%, se classant au 10ème rang mondial. Selon les résultats des projections de la Direction Nationale de la Population (DNP), les moins de 15 ans représentent 45,4% de la population totale en 2022. Les 15 - 64 ans et les plus de 65 ans représentent respectivement 52,4% et 2%. Par son histoire et sa situation géographique, le Mali est devenu au fil des siècles une terre de rencontres où cohabitent une multiplicité d’ethnies, d’organisations socio-politiques et de religions. Cette diversité ethnique, culturelle et religieuse qui a longtemps constituée une particularité et une richesse pour le Mali, est fortement fragilisée par différents facteurs à la fois endogènes et exogènes. Ces diversités sont également instrumentalisées à des fins économiques ou politiques par certains acteurs. Ce qui débouche sur de nombreuses situations conflictuelles : catégorisation des populations, ethnocentrisme, les stéréotypes et la stigmatisation de certaines composantes de la société, voire parfois même leur opposition, mettant ainsi à mal la confiance, la cohabitation et la cohésion sociale constituées au fil du temps et de l'histoire.
Économie
L'économie du Mali repose en grande partie sur l'agriculture pluviale et les activités pastorales, avec une population essentiellement rurale (environ 68% de la population totale) pratiquant une agriculture de subsistance. Le contexte économique et social du pays reste impacté par les effets combinés de la crise sécuritaire et politico-institutionnelle. Selon la Banque Africaine de Développement (BAD), la croissance du PIB réel est ressortie à 3,1% en 2021 contre -1,2% en 2020 et 4,8% en 2019. La COVID–19 a déjoué les perspectives positives de l’économie du pays. En effet, malgré la tendance positive observée, la croissance économique de 2021 reste inférieure aux prévisions du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (CREDD) 2019-2023 (6,3%). Selon le rapport sur les ODD référencés et soutenus par la Banque Mondiale, cette évolution est imputable essentiellement à la hausse enregistrée au niveau du secteur primaire (3,0% en 2021 contre -4,3% en 2020). La structure de l’économie malienne reste dominée par les secteurs primaire (35,9%) et tertiaire (35,2%). Cependant, le taux de chômage est élevé, surtout chez les jeunes. Entre avril et juin 2021, le taux d'emploi des personnes âgées de 15 ans ou plus est de 60,2%. Les différents rapports de l’enquête modulaire et permanente auprès des ménages (EMOP) corroborent le fait que les femmes sont moins actives dans l’économie formelle que les hommes (45,3% contre 77,2% respectivement). La proportion d’individus pauvres dans la population est estimée à 44,6% au niveau national en 2021 contre 41,9% en 2020, soit une variation de 2,7%. Selon le Fonds Monétaire International (FMI), l’économie malienne est structurellement concentrée, insuffisamment diversifiée, fortement dépendante de l’extérieur et très exposée aux aléas climatiques. En 2022, en dépit des effets cumulés des sanctions mises en œuvre par l’UEMOA et la CEDEAO depuis le 09 janvier 2022, et ceux de la crise ukrainienne, les perspectives macroéconomiques restent bonnes selon le FMI.
Genre et autonomisation de la femme
La dynamique de genre entre les hommes et les femmes, les rôles ainsi que les normes socioculturelles en matière de genre sont inéquitables et se reflètent dans les relations de pouvoir entre les sexes au sein du ménage mais aussi par la faible participation des femmes aux prises de décisions tant dans la sphère privée que publique. Cependant ces dernières années, la participation effective des femmes aux fonctions de direction et dans la vie politique, économique et publique a enregistré des avancées. Selon le rapport de mise en œuvre du CREDD 2021, la proportion de femmes dans le Parlement national (actuel Conseil National de la Transition) se rapproche nettement des 30%, seuil minimum règlementaire conformément à la Loi n° 2015- 052 sur le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. En 2020, ce taux était de 28,57%, contre 9,52% en 2013. En ce qui concerne, la représentativité aux fonctions nominatives des services publics de l’Etat, 16,4% en moyenne des hautes fonctions nominatives sont occupées par les femmes.
Sur cette moyenne, les ministres présentent les plus fortes proportions avec 33,3%, taux supérieur au taux cibles dans la Loi n°2015-052. Aussi, près d’un quart des postes de présidents et vice-présidents de services et de chargés de mission sont occupés par les femmes (25%). A ce niveau, des efforts importants restent à faire afin de favoriser la promotion des femmes aux postes de gouverneurs (0% de femmes), de préfet, de chef de cabinet ou encore d’ambassadeur (2,3%, 9,5% et 11,1%). Outre les réformes institutionnelles et politiques en cours, le 15 juin 2022, le Gouvernement a adopté le Cadre stratégique de la Refondation de l’État pour la période 2022-2031 et de son Plan d’action connexe pour 2022-2026 ainsi que le Plan d’actions prioritaires du Gouvernement de la Transition (2022-2024). L’axe stratégique n°4 Capital humain, Genre et Inclusion sociale dénote de la volonté des autorités de la Transition de considérer le genre et le capital humain comme des facteurs essentiels au changement social9 .
Cadres juridique et politique existants
Le Mali est signataire des principales conventions et traités internationaux en matière de droits de la personne et des peuples, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés. La Constitution de février 1992 réaffirme le principe de primauté des traités ratifiés par rapport aux lois internes en son article 116 et son attachement aux droits humains en édictant que l’État souscrit à la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 10 septembre 1985, ratifiée sans aucune réserve, et son protocole additionnel du 5 décembre 2000, la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 et son Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) du 11 juillet 2003 ainsi que la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant du 1er juillet 1990. Par ailleurs, le Mali a ratifié le 16 mai 2002, le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif sur l’implication d’enfants dans les conflits armés. Le Mali a signé le 28 février 2012 le Protocole facultatif à la CDE établissant une procédure de communication.
Ces protocoles facultatifs renforcent et complètent la CDE 1989. Après la ratification de la Convention de l’Union l'Africaine pour la Protection et l’Assistance aux Personnes Déplacées à l’intérieur de leurs pays, le Mali travaille sur sa domestication. Notons que le Mali est Etat partie au Traité de Rome sur la Cour Pénale International (CPI), du 16 Aout 2000.
Environnement sécuritaire
La situation sécuritaire reste précaire et se propage vers les régions du nord, centre et sud. La tendance au durcissement du conflit se poursuit, marquée par un contexte socio-économique de plus en plus dégradée, comme le montrent les tensions politiques et la hausse de la criminalité. Les attaques de groupes présumés radicaux contre les civils et les forces de sécurité nationales et internationales persistent. Jusqu’au mois d’octobre de l’année en cours, INSO a documenté 4 339 incidents sécuritaires sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les régions du centre (615 incidents pour la région de Mopti, 426 incidents pour la région de Ségou), Gao (424), Ménaka (329) et Tombouctou (446). Par ailleurs, on observe, une forte détérioration dans la zone des trois frontières de la région du Liptako-Gourma, ce qui a une incidence sur les régions de Ménaka et de Gao, en contraste avec un calme relatif dans d’autres zones, comme la région de Tombouctou. Selon la MINUSMA, dans le cadre de l’intensification des opérations des Forces Armées Maliennes dans le centre du pays, les civils ont été exposés à de violentes attaques et à des violations croissantes des droits de l’homme, qui ont occasionné le plus grand nombre de victimes civiles enregistrées au Mali. Depuis le début de 2022, les cercles d’Anderamboukane et d’Ansongo, respectivement dans les régions de Ménaka et Gao, continue d'être le théâtre d’affrontements armés entre le Mouvement pour le salut de l'Azawad-Daoussahak/Groupe d'auto-défense Touareg Imghad et alliés (MSA-D/ GATIA) et l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) aggravés par des violences intercommunautaires.
De très nombreux civils ont été tués et blessés dans ces affrontements tandis que plusieurs centaines d’autres ont été contraints de se déplacer pour fuir les hostilités. Des magasins, véhicules et autres biens à caractère civil ont été incendiés, détruits et pillés.
Ces affrontements ont, accentué la détérioration des relations intercommunautaires entre les communautés Arabe, Daoussahak et Peule avec pour conséquences des actes de représailles de part et d’autre. Par ailleurs, une bonne partie du centre, dans plusieurs cercles des régions de Mopti et de Ségou ont été, soit déguerpies de leur populations, soit devenues inaccessibles à cause des opérations militaires, des conflits intercommunanutaires ou des opérations militaires.
Suite au regain d’attaques des sites touristiques ou d’installations d’hotellerie dans la ville de Bamako en 2016 et en juin 2021, plusieurs sites stratégiques, dont le camp militaire de Kati qui hébergent les plus hautes autorités militaires du pays, ont été la cible d’attaques armées par les GANE. Ces faits, en plus de ceux observés dans les zones autour de Koutiala et de Sikasso, sont la preuve de l’élargissement des zones instables vers le sud du pays, reconnues comme ayant la densité démographique plus forte.
Profil environmental
Avec un score de 34,7, le Mali avait été classé le pays 178ème parmi les 182 pour l’indice de pays ND-GAIN.
En effet, le Mali est confronté à de nombreux défis environnementaux dont les principaux sont dus aux effets du changement climatique, à la forte croisance démographique, la pauvreté, l’inadéquation entre la consommation des ressources naturelles et leur rythme de renouvellement et la faible prise en compte de la dimension environnementale dans les politiques, stratégies, plans et programmes de développement. Les deux tiers du territoire national sont en région désertique ou semi-désertique et les données climatiques montrent une progression de la zone affectée par cette aridité sur l’ensemble du territoire avec une tendance à la baisse des pluies de l’ordre de 10 à 28% sur les 30 dernières années. Les manifestations les plus visibles sont le recul du couvert forestier, la dégradation des terres et l’extension de l’érosion sous toutes ses formes, la sédimentation des lits des cours d’eau qui pose un problème de disponibilité des ressources en eau et la salinisation de la nappe continentale terminale du bassin sédimentaire.
Face à ces défis existentiels dans un monde aux prises avec les effets adverses du dérèglement climatique, le projet de la grande muraille verte, tarde à engranger des résultats tangibles en dépit des bonnes intentions à son lancement en 2010.
Notons que les pratiques d'élevage extensive et les effets du changement climatique resultent de facteurs pertubateurs sur le pastoralisme dont le non respect des couloirs de transhumance et des trajectoires inhabituelles, germes potentiels de tensions entre agriculteurs et eleveurs dans certaines regions, impactant ainsi les conditions de vie et de reproduction du cheptel.