Bien que la situation sécuritaire et humanitaire se soient relativement améliorées dans certaines localités en 2024, une grande partie de la population reste exposée aux chocs et à leurs conséquences. Entre octobre 2023 et septembre 2024, 115 chocs affectant 241 450 personnes ont été enregistrés par les mécanismes de veille humanitaire , soit une légère baisse de 0,4% en comparaison à la même période l’année précédente (242 875 personnes avaient subi au moins un choc). Les plus récurrents sont les chocs liés aux violences (66%) et les catastrophes naturelles (23%), alors que les mouvements de retournés ou de rapatriés spontanés (9%), et les autres types de chocs comme les mouvements préventifs (2%) sont devenus moins fréquents. L’Ouham (27%), l'Ouham-Pendé (13%), le Mbomou (12%), la Ouaka (11%), et la Bamingui-Bangoran (8%) sont les cinq préfectures ayant enregistré le plus de chocs. L’ensemble des sources humanitaires (OCHA, DTM, CMP, HCR, REACH etc.) confirme cette tendance et son impact sur les populations. Dans ce contexte, plus de la moitié des ménages (54%) ont subi des chocs affectant significativement les revenus et moyens de subsistance (20% des ménages à cause des pluies irrégulières, 19% à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires, et 15% à cause des dépenses imprévues de santé).
L'évolution du paysage sécuritaire dans les pays voisins, continue d’engendrer de fortes vulnérabilités et des besoins urgents. L’amélioration de la situation sécuritaire dans plusieurs zones reste fragile et marquée par des affrontements sporadiques entre des groupes armés et les Forces armées centrafricaines (FACA) soutenues par d'autres personnels de sécurité. Le nombre de personnes affectées par les conflits et les violences est en baisse de 13% (184 381 personnes entre septembre 2022 et octobre 2023, contre 161 049 entre septembre 2023 et octobre 2024).
La guerre au Soudan et les tensions au sud du Tchad, entrainent l’arrivée de réfugiés, de demandeurs d’asile et de rapatriés, vers des zones déjà fragiles qui bénéficient d’une assistance humanitaire déjà très limitée.
Dans le sud-est, les opérations militaires et les tensions communautaires posent des problématiques majeures qui accentuent les besoins de protection.
Impacts néfastes des inondations dans les zones déjà sujettes à une situation humanitaire sévère et à des besoins aigus. Les inondations accroissent

la vulnérabilité et engendrent le déplacement temporaire de milliers de personnes installées dans des lieux de regroupement spontanés, surtout dans la zone urbaine de Bangui et de l’Ombella-M’poko. De janvier à octobre 2024, les acteurs humanitaires ont enregistré 31 600 personnes sinistrées par les inondations dans 18 sous-préfectures, contre 84 900 personnes dans 28 sous-préfectures durant le même période en 2023, soit une baisse de 64%. En 2024, des pluies diluviennes ont tué quatre personnes, déplacé près de 3 900 ménages, blessé 44 personnes, et détruit 4 300 maisons. Les sous-préfectures les plus affectées par les inondations en 2024 sont Kabo (5 000 personnes), Bambari (4 300 personnes), Birao (4 100 personnes), Bozoum (3 600 personnes), et Ndélé (2 700 personnes). Le mois de septembre a enregistré le plus grand nombre de personnes affectées par les inondations en 2024.
L’utilisation accrue des engins explosifs restreint l’accès humanitaire et les mouvements des civils dans plusieurs zones. En RCA, les accidents impliquant des mines terrestres et d'autres engins explosifs ont pris des proportions de plus en plus inquiétantes depuis 2021, en particulier dans l'ouest du pays. Entre octobre 2023 et septembre 2024, 79 incidents liés aux engins explosifs ont été enregistrés, avec les civils comme principales victimes (de janvier à septembre 2024, 12 personnes, dont 11 civils, ont été tuées dans 38 incidents et accidents impliquant des engins explosifs. En 2023, 27 personnes, dont 19 civils, ont été tuées dans 82 incidents et accidents impliquant des engins explosifs). Le recours aux engins explosifs par les parties au conflit limite significativement l'accès humanitaire dans un contexte déjà marqué par des restrictions d'accès.
Les déplacements internes ont diminué mais les besoins persistent face à une assistance limitée et des risques d’éviction. Selon le rapport de la Commission des mouvements de populations (CMP), 465 499 personnes sont déplacées internes (PDI) en RCA au 31 octobre 2024, la majorité (84%) vivant en familles d’accueil, et les autres en site. Cela représente une baisse d’environ 7% de PDI depuis octobre 2023 (504 992 PDI).
Toutefois, selon la DTM, 32 406 personnes sont nouvellement déplacées entre janvier et août 2024, majoritairement réparties dans les préfectures de l’Ouham (33%), l'Ouham-Pende (13%), la Nana-Mambere (8%) et le Haut-Mbomou (8%). Bien que cela représente 22 000 personnes en moins que sur la même période l’an dernier, il est évident que les conflits et les inondations continuent de provoquer des déplacements (7% des personnes déplacées en 2024 sont en situation de déplacement forcé contre 18% en 2023), et les femmes représentant 53% des personnes affectées. Les retours des PDI sont attribués à l'amélioration de la perception sécuritaire dans certaines régions.
Selon la CMP, le pays compte 74 sites de déplacés parmi lesquels 13 (soit 18%) sont à risque d’éviction. La plupart de ces sites accueillent des PDI en situation de déplacement prolongé (depuis au moins 3 ans). L’ensemble des sites à risque d’éviction accueille 17 900 personnes (soit 23% des PDI sur sites).

Les sous-préfectures d’Alindao (40%), de Bambari (29%) et de Bocaranga (15%) concentrent à elles seules plus de la moitié des PDI à risque d’éviction (CCCM 2024). De ce fait, plus de 23 000 PDI ont quitté les sites et/ou les familles d’accueil entre janvier et octobre 2024. La pression qu’imposent les mouvements de population sur les maigres ressources des communautés d'accueil, constitue un facteur de vulnérabilité en mesure de générer des déplacements secondaires (liée à l’amenuisement des ressources des familles d’accueil), augmentant la vulnérabilité en termes de protection et d’accès aux services de base. En outre, 23 000 centrafricains sont revenus de l’étranger entre janvier et août 2024, (DTM) et plus de 15 000 rapatriements volontaires ont été facilités sur la même période (UNHCR). Les retours spontanés ont augmenté de 1% entre avril et juillet 2024 (DTM round 21, juillet 2024), atteignant 20% dans la Bamingui-Bangoran, 16% dans l’Ombella-M’poko et plus de 9% dans le Sangha-Mbaéré. Les communautés attribuent cette tendance à une amélioration relative du contexte dans les zones d’origine, mais aussi aux difficiles conditions de vie dans les pays d’accueil. Les personnes retournées présentent de ce fait des niveaux de vulnérabilité assez comparables aux personnes déplacées à la suite d’un choc.
L’insuffisance d’infrastructures sanitaires et du personnel médical, conjuguée aux actes de violence contre les structures, infrastructures et personnel de santé, affecte les capacités de réponses aux urgences sanitaires. En 2024, le pays continue de faire face à des épidémies évitables par la vaccination, mais qui reviennent de manière cyclique (rougeole, coqueluche, méningite, hépatite virale et rage). D’autre part, les changements climatiques en RCA aggravent la transmission de maladies zoonotiques et vectorielles (fièvre jaune, dengue, etc.). Le paludisme est la première cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans, représentant 57% des motifs de consultation, et 31% des causes de décès. En 2023, le taux de positivité au test rapide de paludisme a été de 72%.

Aux urgences sanitaires, s’ajoutent l’insuffisance d’infrastructures et de personnel médical qualifié, notamment dans les zones rurales. Les conflits et l’insécurité dans plusieurs zones du pays impactent l’accessibilité et la fonctionnalité des formations sanitaires. Les affrontements armés continuent d'entrainer la fermeture temporaire de plusieurs centres de santé, privant ainsi les communautés locales d'un accès vital aux soins médicaux. Selon le rapport Herams 2023, sur les 1 166 structures de santé du pays, 998 sont opérationnelles : 42% sont partiellement accessibles à cause respectivement de barrières physiques, d’insécurité et de barrières financières. Le sud-est (Mbomou et Haut-Mbomou) est l’une des régions où les formations sanitaires et les services sont les plus affectés. L’occupation répétitive et les pillages des centres médicaux par des éléments armés, les attaques contre des agents de santé, et des infrastructures sanitaires le long de l’axe Bangassou-Bakouma a privé 4 400 habitants d'accéder aux soins médicaux.
L’impact néfaste du conflit au Soudan perdure, tant à travers la détérioration de la situation humanitaire que de l’environnement de protection. Suite aux conflits qui ont éclaté au Soudan avril 2023, la RCA accueille 35 570 personnes (10 791 ménages) dont 6 158 rapatriés spontanés et 29 415 réfugiés, majoritairement des femmes et des enfants (83%). Les réfugiés soudanais sont principalement hébergés dans les préfectures de la Vakaga (14 819), du Mbomou (6 695), de la Bamingui-Bangoran (2 091), de la Haute-Kotto (2 675), de la Ouaka (1 003), et du Haut-Mbomou (568).
A cause de l’insécurité engendrée le long de la frontière avec le Soudan depuis le début de la guerre, l’approvisionnement de plusieurs villes frontalières en RCA est fortement affecté par la hausse du prix des produits de première nécessité́ (inflation atteignant les 50% du prix habituel pour les denrées alimentaires et non alimentaires). De plus, les infrastructures et services de base dans les localités d’accueil subissent de fortes pressions. Ainsi, l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement (EHA), ainsi que la santé deviennent problématique.
Des retours sont constatés pour la majorité des réfugiés prima facie venus du Tchad en 2023 (à la suite des tensions intercommunautaires liées à la transhumance). Plus de 6 235 rapatriés spontanés centrafricains affectés par ce contexte vivent dans la préfecture de l’Ouham-Pendé, tandis que l’insécurité alimentée par les braquages et violences liées à la transhumance persiste à la frontière nord-ouest de la RCA.

La crise perçue par les populations affectées.

En 2024, de nombreux efforts ont été déployés par les acteurs humanitaires pour prendre en compte les priorités et préférences des populations affectées, aussi bien dans l'analyse des besoins que dans la planification de la réponse humanitaire. Près de 14 000 consultations communautaires (ménages), 13 ateliers régionaux, et des retours d'information (feedback) de 25 000 plaintes (par le biais de différents mécanismes collectifs) issues des

personnes affectées ont été effectués. Ces outils et mécanismes ont permis de comprendre les attentes, avis, besoins et préférences des communautés, en fonction de leurs vulnérabilités respectives, y compris sur le genre, la situation de handicap et le statut de déplacement.
Besoins prioritaires

Selon les résultats de l’évaluation multisectorielle des besoins (MSNA), les ménages consultés dans 74 sous-préfectures identifient comme prioritaires leurs besoins dans les secteurs de l’eau, hygiène, et assainissement (29%), la sécurité alimentaire (26%) et la santé (16%).
Intentions des groupes de populations spécifiques

Plus de la moitié des PDIs (67% sur site et 63% en famille d’accueil) sont en situation de déplacement prolongé, ce qui les rend plus enclins à opter pour l’intégration locale durable. Des assistances en matière d'abris et fournissant des moyens de subsistance constituent les besoins prioritaires afin de faciliter une iintégration locale durable, le retour ou la relocalisation des personnes déplacées (DTM).
Mécanismes de communication et de retours préférés par les communautés
![]() | En 2024, les acteurs humanitaires ont déployé plusieurs mécanismes collectifs (mobiles et fixes) et sectoriels pour renforcer la communication et le retour d’information auprès des populations affectées. |
Perspectives humanitaires et risques
Quatre principaux risques - les conflits et l’insécurité qu’ils engendrent, les catastrophes naturelles principalement les inondations, les urgences sanitaires, et le contexte régional - sont identifiés comme pouvant directement impacter le contexte humanitaire en 2025. L’évaluation INFORM positionne la RCA en troisième position parmi les pays présentant un indice de risque des plus élevés en 2025 (après la Somalie et le Soudan du Sud, sur un classement de 191 pays).
La persistance des conflits armés, opérations militaires, conflits communautaires et ceux liés, entres autres, à la transhumance, les incursions ou attaques sur les infrastructures sociales (hôpitaux, écoles) contribue à l’insécurité, et constitue un facteur de risque qui alimente les déplacements, exacerbant les vulnérabilités et besoins humanitaires en RCA. Les principaux foyers se concentrent dans le sud-est (Zémio, Obo, Bakouma), le nord-est (Ndélé), le sud (Kouango, Ndjoukou) et le nord-ouest (Bocaranga).
Bien que le démantèlement de certains groupes armés et la multiplication d’opérations militaires contribuent à une légère baisse de l’étendue et de l’impact des conflits dans les grandes villes, la violence persiste sur les axes et les localités éloignées. En l’absence de reconfiguration de l’échiquier sécuritaire sur les axes, le risque d’insécurité et de conflits reste probable avec les mêmes tendances qu’en 2024.
Le risque d'inondation dans le pays est probable en 2025. La dégradation environnementale due aux changements climatiques et à la déforestation, surtout dans le centre du pays et près des principaux cours d’eau est susceptible de créer des inondations fluviales. Les inondations récurrentes continueront de déplacer des groupes de population, causant la destruction des maisons et terres cultivées, menaçant la productivité agricole, compromettant la sécurité alimentaire des populations et augmentant le risque d'épidémies.
La RCA fait également face à plusieurs urgences sanitaires: Mpox, hépatite virale E, fièvre jaune, coqueluche, rougeole, poliomyélite, et rage canine. Cette situation aggravée par la faiblesse du système sanitaire et le manque de personnel médical qualifié, attribue aux urgences sanitaires un risque de probabilité très élevée en 2025.
Finalement, les tendances sécuritaires au Soudan et au sud du Tchad continueront d’engendrer des retours spontanés avec l’arrivée de demandeurs d’asiles et de refugiés; tandis que l'émergence de maladies zoonotiques dans les zones frontalières avec la RCA auront un impact multidimensionnel et humanitaire dans les sous-préfectures transfrontalières.
En 2025, les acteurs humanitaires intègrent ces risques dans la planification et la réponse, en garantissant une capacité flexible dans les zones les plus exposées, afin d'assurer une réponse rapide et adaptée et de réduire l’impact de ces chocs sur les communautés.


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