2.5. Hypothèses de Planification, Capacité Opérationnelle et Accès, & Tendances en matière de Réponse
Hypothèses de planification
Les chiffres de planification du HNRP 2025 sont estimés sur la base de la situation humanitaire du dernier trimestre 2024, en supposant que la nature de la crise multidimensionnelle et les défis au Burkina Faso n’auront pas de changement structurel. Si la situation en 2025 devait évoluer de manière significative, y compris la situation des personnes retournées et les solutions durables, le plan devrait être mis à jour ou révisé.
En 2025, 5,9 millions de personnes auront besoin d’assistance humanitaire. Ce chiffre comprend le nombre estimé de PDI, utilisé à des fins opérationnelles. Cette estimation est basée sur le dernier nombre officiel des PDI du CONASUR datant de mars 2023 qui s’élève à 2,1 millions, ainsi que sur les chiffres des nouveaux déplacements depuis avril 2023 en raison des chocs sécuritaires. Il convient de noter qu'il ne s'agit pas d'un chiffre officiel, mais d'une estimation à utiliser uniquement pour la planification opérationnelle. En plus des PDI, il est important de souligner que près de 57 pour cent de non-PDI complètent les personnes dans le besoin.
Les autres estimations des besoins et la planification de la réponse sont basées sur la situation du dernier trimestre 2024, en supposant que les tendances en matière de sécurité et de changement climatique se poursuivent. En plus des contraintes de sécurité, les inondations, la sècheresse et les épidémies potentielles, s’ajoutent les défis humanitaires, qui affectent davantage les conditions de vie des personnes touchées. Cette situation affecte également la mobilité, et l'accès aux ressources essentielles.
Capacité opérationnelle
La cartographie des capacités opérationnelles met en évidence la concentration des acteurs humanitaires dans les régions du Centre-Nord, du Sahel, du Nord et de l’Est. En revanche, ils sont moins présents dans les autres régions où les besoins humanitaires ont augmenté ou émergé au cours de deux dernières années, à l’exception de la Boucle du Mouhoun où les acteurs humanitaires prévoient d’augmenter leur capacité en 2025. Une lecture croisée des données disponibles montre également que la seule présence physique des partenaires, ne garantit pas la réponse opérationnelle en 2025. Cette situation dépend aussi des difficultés rencontrées par les acteurs pour accéder à certaines zones, et y déployer leur intervention en fonction des besoins et de l’impact sans tenir compte des limitations d’accès. Toutefois, il convient de souligner que les personnes les plus vulnérables ne se trouvent pas uniquement dans ces zones difficiles d’accès. La capacité opérationnelle des acteurs prendra en compte l’identification des personnes les plus affectées, sans distinction de statut, dans les poches de sévérité en fonction de l’intervention sectorielle.
Contraintes d’accès
L’insécurité a aggravé la vulnérabilité des personnes déplacées et des communautés d'accueil, réduisant considérablement l’accès humanitaire et entrainant des déplacements de population. L’utilisation accrue des engins explosifs improvisés (EEI), les contrôles irréguliers, les attaques contre les convois d’approvisionnement ont réduit la mobilité des acteurs humanitaires.
Plusieurs localités (39) réparties dans les régions de l’Est, le Sahel, le Nord, le Centre-Nord, la Boucle du Mouhoun et le Centre-Est, sont sujettes à des restrictions des mouvements des civils.
L’imposition d’escortes militaires sur certaines routes essentielles à la logistique humanitaire et leur état de délabrement ont entrainé des retards dans l’acheminement des fournitures humanitaires et une augmentation des coûts de transport.
La réponse humanitaire a également été entachée par des cas de violence à l'encontre du personnel et des biens humanitaires. En 2024 au moins 10 incidents ont impacté la communauté humanitaire, entraînant le décès de deux personnes un blessé, l’enlèvement/l’arrestation de cinq membres du personnel ainsi que des pertes de vivres et des véhicules.
La redynamisation du cadre de coordination civilo-militaire (CMCoord) et du groupe de travail sur l’accès (GTA) a permis de trouver des alternatives pour mitiger les contraintes d’accès et renforcer les capacités opérationnelles humanitaires.
Tendance en matière de réponse
Entre 2016 et 2024, le nombre de personnes dans le besoin et les personnes ciblées a quasiment quadruplé. En 2025, l'analyse des besoins humanitaires a estimé à 5,9 millions le nombre de personnes dans le besoin dont 3,7 millions de personnes ciblées (parmi lesquelles, 25 pour cent sont des femmes, 55 pour cent des enfants et 15 pour cent des personnes en situation de handicap), ce qui représente une légère diminution de 4,5 pour cent par rapport à 2024. Cette diminution est principalement due à l’application stricte de la méthodologie JIAF, qui examine les besoins purement humanitaires multisectoriels.
Le ciblage est également le résultat d’une priorisation plus stricte, ce qui explique la réduction du nombre de personnes ciblées par rapport à 2024. Cette réduction a un impact sur le budget, avec une baisse de 15 pour cent. Au-delà de la méthodologie, dans un souci d’efficacité, de travail collaboratif et complémentarité avec les efforts de l’Etat, les clusters ont réajusté leur stratégie pour arriver à ce résultat. Il s’agit notamment d’une meilleure implication des communautés dans la réponse, de la localisation, de la concentration sur les activités qui sauvent des vies, de la mise en place d’équipes mobiles, de l’utilisation de la méthodologie version 3.0 du Cadre Harmonisé (CH), et de l’augmentation de la capacité héliportée pour permettre une réduction de la fréquence des vols des zones héliportées. C’est ainsi qu’en 2025, pour la première fois, le besoin de financement du HNRP a connu une baisse.
Programmation redevable, inclusive et de qualité
Les acteurs humanitaires continueront à soutenir une programmation centrée sur les personnes avec une intégration des aspects transversaux dans les financements humanitaires et à travers le cycle de programme humanitaire (CPH).
Egalité Genre et autonomisation des Femmes et Filles
Les consultations du CPH 2025 montrent que le sexe, l'âge, le handicap, statut social et inégalités de genre influencent l'impact des crises. Les catégories les plus affectées identifiées incluent les adolescent.es, les filles, les femmes, les enfants, les personnes vivant avec handicap et les personnes âgées. Il convient de noter que d’après les données de mars 2024 du CONASUR, 82 pour cent des PDI étaient des enfants et des femmes, dont 38 pour cent de ces dernières cheffes de ménages. En 2024, douze organisations pilotent la mise en œuvre de la feuille de route genre validée par l’EHP avec le soutien de la GenCap1. Elles ont mis en place un mécanisme de rapportage pour influencer la prise de décision, conduisant à l'ajustement et à la correction de la réponse inclusive. Un groupe de travail sur l’égalité des sexes et l’inclusion a été mis en place et une mobilisation des ressources a été réalisée pour la conduite d’une analyse genre conjointe. Des efforts ont également été déployés pour assurer un leadership durable aux organisations féminines notamment à travers leur mobilisation, renforcement de leurs capacités sur l’action humanitaire et actions de plaidoyer.
Toutefois, plusieurs obstacles subsistent, tels que : les normes inégalitaires de genre, le déficit de données et d'analyses sexo-spécifiques, l'insuffisance des ressources financières, matérielles, humaines dédiées, la faible implication des organisations dirigées par les femmes, les jeunes; les personnes vivant avec handicap dans la réponse humanitaire ; la récurrence de la violence basée sur le genre et défi sécuritaire pour les femmes et filles et autres catégories les plus vulnérables ; la sévérité et accroissement des besoins humanitaires et des vulnérabilités ; la nécessité d’orientations spécifiques et claires pour des actions ciblées en vue de l’égalité genre, inclusion dans la réponse humanitaire.
L’objectif pour 2025 est de continuer à renforcer la dimension genre et de l’inclusion au sein de la structure humanitaire, et d'intensifier les efforts de plaidoyer sur la base des résultats de l'analyse genre conjointe. Le groupe de travail genre continuera à renforcer les capacités des points focaux genre pour fournir un soutien technique permanent et continuel aux clusters et à l’inter cluster. Les organisations féminines seront renforcées afin de leur permettre d'exercer plus efficacement leur leadership, y compris en ce qui concerne l’accès au financement humanitaire. Les priorités clés sont détaillées ci-dessous :
1. Planification et budgétisation sensibles au genre, au handicap et aux autres catégories vulnérables : pourcentage alloué et suivi dans les financements humanitaires ;
2. Renforcement, y compris l'harmonisation des outils pour la collecte et la diffusion de données sexo-spécifiques et inclusives ;
3. Promotion de l'engagement des organisations engagées dans la défense des droits des femmes, des jeunes et des personnes en situation de handicap dans la réponse humanitaire ;
4. Renforcement continu des capacités des acteurs humanitaires, y compris au niveau communautaire ;
5. Soutien à la coordination : financement dédié pour les actions du groupe de travail genre et inclusion dans l’action humanitaire ; institutionnalisation des points focaux genre des clusters ;
6. Plaidoyer continu fondé sur des évidences concernant les enjeux liés à l'égalité de genre, au handicap et à l'inclusion, soutenu par un leadership humanitaire engagé.
Indicateurs clés de suivi
Période de suivi
Responsables
% de clusters qui mettent en œuvre des stratégies, des plans de travail ou des analyses genre en vue de l’égalité des sexes, de l’inclusion et de l’autonomisation des femmes et des filles
Trimestriel
Clusters et
GT égalité genre et Inclusion
Nombre d’organisations féminines/organisations des jeunes/organisations des personnes handicapées qui reçoivent un financement direct ou sont des partenaires d’implémentation dans le cadre de projet/programmes
Trimestriel
Clusters et
GT égalité genre et Inclusion
Nombre d’analyse genre conjointe réalisées avec recommandations spécifiques pour les clusters
Annuel
GT égalité genre et Inclusion
Nombre de personnes (désagrégées par âge, genre) formées sur l’égalité genre et autonomisation des femmes et filles en contexte d’urgence
Trimestriel
Clusters
La Protection contre l’exploitation et les abus sexuels (PSEA)
L’intensification de l’insécurité, le rétrécissement de l’accès humanitaire et la limitation des ressources amplifient les vulnérabilités existantes avec un impact sur la réponse humanitaire en générale et l’accès des communautés aux besoins fondamentaux. Avec la persistance de la crise, les relations entre les acteurs humanitaires et les populations affectées sont caractérisées par une extrême inégalité de pouvoir. Les acteurs humanitaires sont perçus comme des détenteurs d’accès aux services de première nécessité et ce déséquilibre de rapport de force expose les populations notamment les femmes et les filles aux risques des violences y compris l’exploitation et abus sexuel. Conformément à la vision et la stratégie PSEA de IASC sur la protection contre l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels 2022-20262, l’EHP maintiendra son engagement pour un environnement humanitaire et une culture organisationnelle qui respectent et protègent les personnes assistées contre l’exploitation et abus sexuels, en en conformité avec l’ensemble de normes minimales de fonctionnement pour la PSEA (MOSPSEA)3.
La Protection contre l’exploitation et abus sexuel sera renforcée à travers l’évaluation conjointe des risques EAS et le développement de la Nouvelle Stratégie Nationale PSEA 2025-2028 qui fournira des orientations claires concernant les engagements et les activités des organisations, tant au niveau institutionnel que collectif. L’EHP renforcera son appui au Gouvernement pour l’intégration de la PSEA dans leurs interventions conformément aux engagements du Comité Conjoint Gouvernements- Nations Unies sur la PSEA. Quatre nouveaux Hubs régionaux PSEA seront créés et les cinq Hubs Régionaux existants (Boucle du Mouhoun, Sahel, Centre Nord, Bobo Nord et Est) seront renforcées pour appuyer les communautés assistées à jouer un rôle actif dans la protection contre l’exploitation et abus sexuels. Les actions de prévention seront organisées avec un accent particulier sur les sensibilisations des communautés et l’utilisation des mécanisme conjoint de plainte et de retour d’information PSEA sûrs et accessible pour dénoncer les actes d’inconduite sexuelles. Des actions de mitigation de risques et de réponse seront maintenues en collaboration les acteurs clés dont les clusters notamment les Domaines de Responsabilités de GBV AoR et CP AoR afin de fournir une assistance holistiques basée sur les approches centrées sur les victimes et les survivant(e)S. A cet effet, les procédures d’orientation inter organisationnelles en matière d’EAS seront mises en place et vulgarisés. Des actions portant sur la responsabilisation individuelle et collective PSEA seront maintenues notamment à travers l’évaluation de la capacité PSEA des partenaires et l’application des politiques et code de conduite lies à la PSEA.
Des indicateurs suivants nous nous permettront de mesurer le niveau d’atteinte des résultats :
Numéro
Indicateurs
1
Nombre / pourcentage d'enfants et d'adultes désagrégés par sexe et handicap ayant accès à un canal sûr et accessible pour signaler les cas d'exploitation et d'abus sexuels (IASC)
2
Nombre d'enfants et d’adultes désagrégés par sexe et handicap bénéficiant des sensibilisations sur la PSEA
3
Nombre de sites d’intervention (admin3) où des campagnes/activités de sensibilisation ont été organisées chaque année sur la manière de signaler les cas d'exploitation et d'abus sexuels et d'accéder à une assistance centrée sur les victimes/survivants (IASC PSEA)
4
Pourcentage des fonds/ressources mobilisées pour la réponse PSEA y compris l’assistance aux victimes/survivants de la violence sexuelle et exploitation et abus sexuels.
Engagement communautaire et redevabilité envers les communautés affectées (AAP)
L’engagement communautaire et la redevabilité seront au cœur de la réponse humanitaire au Burkina Faso. En 2025, les partenaires humanitaires veilleront à ce que l’aide fournie répond aux besoins prioritaires et aux préférences de 72 pour cent des personnes affectées, tout en s’assurant que 90 pour cent de ces populations sont satisfaites de l’assistance reçue et que pour 80 pour cent d’entre elles les points de vue sont pris en compte par les fournisseurs de l’aide.
Des efforts accrus seront déployés pour renforcer le respect des engagements de l’IASC en matière de redevabilité, en veillant à ce qu’au moins 80 pour cent des organisations humanitaires intègrent ces engagements dans leurs interventions, en particulier ceux liés à la participation, à la communication et à l’accès aux mécanismes de plaintes et de feedback.
Une évaluation de la mise en œuvre de ces engagements sera réalisée aux niveaux organisationnel et sectoriel. Le CEAWG continuera à renforcer la coordination inter-agences et sectorielle pour garantir une communication fluide entre les acteurs humanitaires et les populations affectées. La collecte et l’analyse des perceptions se poursuivront afin de s’assurer que l’aide de qualité est fournie dans le temps et couvre les besoins prioritaires des communautés.
La promotion des mécanismes inter-agences de feedback et de plaintes restera essentielle pour garantir un accès équitable et inclusif aux personnes affectées qui savent comment faire des suggestions, déposer des plaintes et dénoncer les cas d’EAS. Des efforts seront faits pour renforcer la collecte, l’analyse et l’agrégation des données sur les retours communautaires afin d’orienter les décisions stratégiques.
References
Gender Standby Capacity Project, ProCap and GenCap: Supporting Protection and Gender Equality in Humanitarian Response | IASC